mercredi 13 juin 2012

Transphobie & changements d'identité : un très grand pas en arrière.

En Juin 2010, une circulaire du ministère de la Justice laissait entrapercevoir un espoir réel de simplification et d'humanisation du processus judiciaire afin de demander un changement d'état civil dans le cadre d'un changement de genre féminin à masculin ou masculin à féminin. Un grand pas en avant, quand on considère la position de la France vis à vis des questions transgenres.

La France, très en retard sur le plan de la transsexualité, que ce soit en matière d'accompagnement ou de suivi médical et opératoire, exige aussi tout un parcours judiciaire éreintant afin d'espérer obtenir le changement d'état civil. Ce parcours est décrié et critiqué par la commission aux droits de l'homme du conseil de l'Europe, parce qu'inutile, coûteux et surtout terriblement humiliant. Le principe de tri-expertise est pointé du doigt. En effet, ce principe exige une expertise endocrinologique, gynécologique et psychologique afin de certifier le changement de genre et son caractère irréversible. Par ce fait, en plus, la France exige la preuve de la stérilisation des transsexuels opérés, ce qui s'approche dangereusement de l'idéologie eugénique (pratiques visant a uniformiser les êtres afin d'atteindre un être "parfait", unique et identique d'un être à l'autre).

La question de la Transsexualité, très évasive et souvent éludée dans notre société moderne, est une des priorité et un cheval de bataille de Rainbow Brest, et c'est avec une grande inquiétude que nous avons appris cette semaine la bêtise et le recul scandaleux observé par la cour de cassation dans le cadre d'une affaire de demande de changement d'état civil de la part d'une jeune femme transsexuelle. S.(elle a préféré conserver son anonymat) a fait une demande de changement d'état civil. Notons déjà que le tribunal a refusé de l'appeler mademoiselle, mais monsieur depuis le début, en dépit de sa nouvelle identité physique féminine. Dans un premier temps, en 2009, elle fait auprès du tribunal de grande instance sa demande de changement d'identité, après son opération en Thaïlande. Le tribunal lui avait demandé de se plier a la tri-expertise, chose que S a refusé bien que présentant les pièces justifiants de son changement de sexe. Rejet de sa demande. S fait appel. La cour cède au changement de prénom, refusant le changement de sexe sur l'état civil.

S s'est pourvue en cassation, et la décision de celle-ci est cinglante, et va faire reculer encore une jurisprudence déjà d'un autre age. La cour de cassation rejette son pourvoi «Pour justifier une demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, la personne doit établir, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome transsexuel dont elle est atteinte ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence.(...) Après avoir examiné, sans les dénaturer, les documents produits, et relevé, d’une part, que le certificat faisant état d’une opération chirurgicale effectuée en Thaïlande était lapidaire, se bornant à une énumération d’éléments médicaux sans constater l’effectivité de l’intervention, d’autre part, que M. X... opposait un refus de principe à l’expertise ordonnée par les premiers juges, la cour d’appel a pu rejeter sa demande de rectification de la mention du sexe dans son acte de naissance.»
En clair, puisque le compte-rendu opératoire ne faisait état que de modifications physiques et non de ses effets, et puisque S. a refusé la tri-expertise, la cour de cassation a le droit de refuser le changement de sexe. S va saisir la cour européenne des droits de l'homme, dernier recours face a cette décision insensée et indigne du pays des droits de l'homme. 

La question soulevée par cette affaire, et par extension, a l'affaire Avrillon, demeure la suivante : comment peut-on, aujourd'hui, laisser au seul tribunal la décision de valider un changement d'identité ? Après un processus psychologique, mental, physique et social qui est particulièrement éprouvant et compliqué, pour le ou la transexuelle mais aussi pour son entourage familial, amoureux, professionnel, amical, ne peut-on pas, au vu et su de l'identité nouvelle et revendiquée, simplifier ce procédé a la simple rectification d'état civil ? En quoi changer d'identité est un crime, en quoi cela relève-t-il de la justice ? Le seul crime de S. est d'être née dans un corps qui ne lui correspond pas et d'avoir eu le courage de mener au bout ce combat contre elle-même pour enfin vivre en paix avec sa véritable identité. 

Il est grand temps que notre belle société moderne se pose enfin les questions des genres et des identités, et cesse cette transphobie sourde, muette et aveugle qui n'a plus de raison d'être. 

(sources : Yaggacthe

Nous rappelons que Rainbow Brest soutien Marie et Chloé Avrillon, confrontées a ce problème de changement de sexe auprès de l'état civil et qui se battent depuis presqu'un un pour le maintien de leur mariage après le changement de sexe de Chloé. Nous avons mis en place une pétition pour leur apporter notre soutien lors de l'appel qui aura lieu auprès de la cour de Rennes le 25 Juin prochain. http://www.petitions24.net/changement_didentite__maintien_du_mariage_entre_meme_sexe
(lien pour connaître l'histoire complète de Marie et Chloé : http://rainbow-brest.blogspot.fr/2012/05/l-du-25-juin.html)

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